La Louvière. Quand des élèves deviennent de puissants poètes
Violaine Lison, est enseignante dans l’enseignement ordinaire général. La Tournaisienne de 49 ans est également poète et autrice. Grâce au projet « Objectif Plumes » proposé par la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans lequel s’est inscrite l’école secondaire de l’IMP René Thône de La Louvière, elle a invité les élèves de découvrir la poésie.
« C’était une première pour moi de proposer un atelier d’écriture aux élèves de l’enseignement spécialisé » explique-t-elle « Au quotidien, j’enseigne en 4e, 5e et 6e au Collège de Notre Dame de Tournai. La façon dont les élèves ont participé était vraiment très différente. C’était très puissant, ils se sont très fortement impliqués et beaucoup sont demandeurs de poursuivre cette expérience ».
En pratique, une dizaine d’élèves ont pu assister et participer activement aux 3 séances de 7h de cet atelier d’écriture.
Objectif : jouer avec les sons, chercher et trouver la beauté des mots et les assembler pour exprimer quelque chose de nouveau et de très profond. Montrer aux élèves qu’il y a le réel, mais qu’il y a aussi la musique des mots, le rythme, les images qu’on peut amener dans la langue française…
Qui a dit que la poésie était inaccessible aux jeunes ?
On pourrait penser que les jeunes n’y connaissent rien en poésie. Mais Violaine Lison a constaté tout le contraire : « Ils sont très forts car baignés par les chansons et la musique et les chansons sont des poésies. Parfois, le Français n’est pas évident pour eux (les élèves connaissent des difficultés d’apprentissage) et ils avaient un peu peur d’écrire au début. Ensuite, ils ont griffonné de nombreuses pages de papier en y couchant tout ce qu’ils avaient au fond d’eux d’abord ».
Venue à l’école l’an dernier pour présenter son livre « Ce soir, on dort dans les arbres » après avoir remporté le Prix Victor, elle a cette fois guidé les jeunes vers le plaisir d’écrire.
« Ce sont des élèves très sensibles, très ancrés dans leur présent, dans leur passé. Ce que je voulais absolument, c’était de ne pas du tout être dans l’écriture psychologique car ce n’est pas mon rôle. Ce que je souhaitais, c’était les amener à apporter une partie d’eux dans les exercices. C’était un jeu au départ : ils ont écrit sur eux, sur leurs profondeurs, leur intime. Je voulais qu’on fasse quelque chose de beau avec un réel parfois difficile ».
Morceaux choisis
C’est une expérience très forte qu’ont vécue les jeunes, tout comme Violaine Lison : « D’arriver à produire des mots qui puissent emmener plus loin que ce réel était notre objectif et ils ont réussi. Ils sont tellement généreux ! J’ai senti une confiance énorme immédiatement ».
Ecrire le mal-être, les difficultés, voire même le désespoir fut la première étape de ce travail. Ils ont ensuite associé leur imaginaire, à des mots, des sons particuliers.
« Écrire permet de dépasser l’intime et de devenir universel. La poésie permet d’aller au-delà du « petit réel ». J’avais envie de leur montrer comment on pouvait « dire » autrement » précise Violaine.
Les jeunes ont travaillé sur des concepts universels : les 5 sens. « La question de départ était : qu’est-ce que vous aimeriez garder comme souvenirs d’enfance, dans un petit pot de confiture ? En faisant référence aux sens ? Des réponses telles que : la voix de ma grand-mère, le rouge du regard de mon frère,… ont ensuite amené des trucs incroyables.
- Je garde ton parfum fruité qui fusionne avec ma peau
- Le froid, ça a une odeur
- Enlacer le soleil
- Enterrer le désespoir
- Je te promets l’eau et la tempête pour que tu cicatrises.
- Je veux égorger les insultes.
- Je vais cuisiner la tempête
« Ce qui est beau avec eux, c’est qu’ils y vont ! Cet exercice a démontré comment on fait pour faire de cette colère qu’on a en soi quelque chose de beau et d’unique. »